Nicolas Beaugrand
Partner & Managing Director, Paris
Des facteurs défavorables à court terme : prix du pétrole élevés, ralentissement du commerce mondial, hausse de tensions géopolitiques. En parallèle, une révolution digitale à moyen et long terme et l’émergence de nouvelles technologies : électrification des avions, défi environnemental et vol autonome. L’industrie de l’Aéronautique et de la Défense devra naviguer dans un environnement plus complexe en 2019 après une année 2018 record en termes de revenus et de bénéfices.
Paris, 19 juin 2019 – AlixPartners publie aujourd'hui son étude annuelle sur l’industrie mondiale de l'aéronautique et de la défense (A&D).
Au cours de l'année écoulée, l'industrie de l'aéronautique et de la défense (A&D) a enregistré des livraisons, une croissance et une rentabilité records. Cependant, l'année à venir s'annonce beaucoup plus difficile, et pas seulement à cause de la crise du Boeing 737MAX, bien que celle-ci pourrait avoir un impact important au-delà de Boeing. C'est ce qu'indique la nouvelle étude publiée aujourd'hui par AlixPartners.
Du côté positif de l'équation, l'étude révèle que les 100 premières sociétés A&D cotées en bourse ont connu une croissance record l'an dernier (une augmentation de 8,6 % des revenus, le taux de croissance annuel le plus élevé de la décennie) et une rentabilité élevée (10,6 % d’EBIT). Par ailleurs, les équipementiers et les fournisseurs ont enregistré de bonnes performances, affichant des hausses de chiffre d'affaires de 9,9 % et 7,6 %, respectivement, avec des cadences de production plus élevées sur les avions commerciaux (Boeing et Airbus ont terminé l’année 2018 avec un record de 1 606 livraisons d’avions commerciaux, en hausse de 8 % par rapport à 2017), un trafic passagers et fret soutenu et des budgets militaires en hausse de 2,7 % au niveau mondial.
Cependant, l’année 2019 soulève plusieurs interrogations sur les différents segments de l’industrie :
Sur le segment de la défense, plusieurs questions sont posées :
Pascal Fabre, Managing Director, spécialiste Aéronautique déclare : « La crise du 737 MAX, conjuguée à la révolution technologique qui frappe cette industrie, à l'arrivée de nouveaux entrants et à la possibilité d'un nouveau ralentissement économique mondial, implique que l'année à venir sera difficile pour tous. C'est pourquoi il est essentiel que les équipes de direction entreprennent des transformations proactives de leur entreprise, plutôt que d'attendre et d'être victimes des grandes tendances qui balaient l'industrie. »
Compagnies aériennes : contrôle des coûts et maîtrise des capacités
Les chiffres d’affaires des compagnies aériennes sont une nouvelle fois orientées à la hausse en 2019 et devraient connaitre un nouveau pic à 885 milliards de dollars (contre 820 milliards de dollars en 2018), avec une croissance annuelle de 6 à 7%, un rythme plus important que celui du PIB mondial.
Toutefois, l’étude constate que les bénéfices d'exploitation des compagnies aériennes ont diminué sur l’ensemble des géographies par rapport à leur pic de 2015-2016 et que les marges d'exploitation devraient diminuer à 5 % du revenu en 2019. L'an dernier, l'Amérique du Nord est demeurée la région la plus rentable du monde, avec une marge d'exploitation de 9 %, mais l'étude révèle que les marges devraient être sous pression en 2019 en raison de l'augmentation des coûts de main-d'œuvre et de l'incidence de la crise du 737 MAX sur les chiffres d’affaires de certaines compagnies aériennes, en particulier Southwest et American Airlines.
L’étude souligne par ailleurs que les fusions-acquisitions pourraient permettre aux compagnies aériennes de rétablir les niveaux de marge opérationnelle perdus ces dernières années du fait de la pression sur les coûts. Les offres récentes au Canada sur Air Transat et WestJet constituent sans doute le signal d’un début de consolidation dans d’autres régions du monde et d'importantes transactions européennes ou américaines pourraient être sur la table en 2019. En parallèle, les faillites d’acteurs plus petits tels que Primera, Germania et WowAir sont susceptibles de s’étendre à d’autres compagnies aériennes, réduisant ainsi les capacités disponibles sur le marché.
Au Moyen-Orient, la plupart des compagnies aériennes de la région ont commencé à prendre des mesures d’ajustement de leur capacité pour s’assurer que la croissance de leur flotte n'augmente pas plus vite que la demande, mais aucun mouvement de consolidation n’a encore eu lieu compte tenu de facteurs politiques.
Quant aux compagnies aériennes asiatiques, elles devraient recevoir 14 000 nouvelles livraisons d'avions entre 2018 et 2037, soit plus que la somme des livraisons attendues pour l’ensemble des compagnies aériennes d'Amérique du Nord et d’Europe sur la même période (avec respectivement 6 100 et 6 400 livraisons prévues entre 2018 et 2037).
Dans toutes les régions, les transporteurs restent focalisés sur le contrôle des coûts alors que la croissance du chiffre d’affaire a été dépassée par la hausse des coûts de la main d’œuvre et du carburant. Les compagnies aériennes classiques ont réduit l’écart en termes de rentabilité et de compétitivité-coût avec les compagnies aériennes low-cost grâce à des stratégies efficaces de réduction de coûts combinées avec une plus faible érosion du Revenu par Siège Kilomètre Disponible (RASK). La meilleure gestion des capacités par les compagnies aériennes classiques a permis cette évolution.
Avions commerciaux : une approche focalisée sur le client et une transformation en continu de la chaîne de valeur
L'étude AlixPartners prévoit que la flotte d’avions commerciaux devrait doubler dans les 20 prochaines années, soutenue par la croissance du trafic aérien mondial. L’hégémonie du duopole Airbus/Boeing n’a jamais été aussi forte qu’en 2018 avec :
Le segment des monocouloirs bénéficie d’un carnet de commande record représentant environ 9 années de production. En revanche, le carnet de commande total des gros porteurs est à son plus faible niveau depuis 2010 avec 5,6 années de production et un nombre total d’appareils produits par an à environ 400 avions, avec le risque d’annulations supplémentaires venant des transporteurs du Golfe.
Toutefois, la crise du 737 MAX a un impact sur presque toute l'industrie avec un sujet essentiel pour toute la filière, celui de la sécurité aérienne. La crise a ouvert la possibilité pour un troisième acteur majeur tel que Comac d’entrer sur le marché des monocouloirs. Il est trop tôt pour déterminer ce qui se passera mais regagner la confiance des passagers sera un véritable défi pour l'ensemble de l'industrie.
Services aéronautiques : une bataille acharnée entre les constructeurs et les fournisseurs pour trouver de nouveaux relais de croissance rentable
Avec une valeur estimée à 273 milliards de dollars pour 2019, le marché des services aéronautiques devrait continuer de croitre à un rythme soutenu (+7 % par rapport à 2018).
Dans la mesure où les équipementiers font désormais face à une stabilisation de la demande après une quinzaine d'années de développement continu de nouveaux programmes, la course aux services à valeur ajoutée est lancée. Celle-ci est menée par les constructeurs qui tentent de s'approprier une plus grande part des profits, et par les principaux fournisseurs de rang 1 qui intensifient la lutte pour protéger leurs revenus et profits sur le service après-vente. Selon l'étude, la croissance des services nécessitera probablement des acquisitions et des initiatives de transformation digitale afin d'offrir des services à haute valeur ajoutée aux clients avec un objectif de zéro avions immobilisés (AOG, i.e. « Aircraft On Ground »), et encore plus axés sur la clientèle des constructeurs.
Le développement de plates-formes digitales (comme Skywise pour Airbus ou AnalytX pour Boeing) a aidé de nombreux constructeurs aéronautiques, de grands fournisseurs de premier rang et les principaux acteurs de la maintenance, de la réparation et de la révision (MRO) à tirer profit de leurs données et à mieux servir leurs clients. Ces dernières années, le secteur de la MRO et des services aériens a été marqué par des acquisitions significatives, une tendance qui devrait se poursuivre à moyen terme.
Défense : des tensions géopolitiques qui s’aggravent et des efforts diplomatiques aux résultats incertains
Les dépenses mondiales de défense ont continué d'augmenter en 2018 (+2,6 %), pour la quatrième année consécutive, en raison d'un climat général d'affrontement croissant entre la Russie et l'Occident et des tensions importantes autour des frontières de la Chine et au Moyen-Orient. Avec une croissance de 13 %, l'Europe centrale et orientale (à l'exclusion de la Russie) a été la région enregistrant la plus forte augmentation en 2018. Globalement, les dépenses militaires ont été de 1 742 milliards de dollars, au-dessus du niveau auquel elles se situaient pendant les dernières années de la guerre froide.
Le plus important budget de défense au monde, celui des Etats-Unis, a augmenté de 4,6 % en 2018 pour atteindre 634 milliards de dollars (36 % des dépenses de défense mondiales) sachant que le Congrès américain a voté une augmentation de 7 % pour l’exercice 2019. De même, la Chine a augmenté son budget de 8,1 % en 2018 et le Japon a annoncé une augmentation de 7,2 % pour 2019 - alors que les dépenses européennes ont augmenté de 2,6 % l'an dernier. Entre-temps, le budget de défense des membres européens de l'OTAN a atteint 1,5 % du PIB en moyenne l'année dernière, bien que cela reste loin de l'objectif déclaré de 2 % du PIB.
L’hyper fragmentation du paysage européen de systèmes d’armement, comparé à celui des Etats-Unis constitue une fragilité majeure pour les exportations intra-européennes souligne l’étude. A titre d’exemple, les armées européennes ont en ce moment 37 chars de combat et véhicules d’infanterie différents en service, contre seulement trois pour les forces armées américaines. L'industrie européenne de la défense est susceptible de voir une collaboration croissante, bien que motivée principalement par des raisons économiques plutôt que par un leadership politique fort, car aucun pays ne peut se permettre de porter à lui seul le coût de nombreux programmes majeurs tels que l’avion de combat de nouvelle génération.
L’étude note également que les décisions récentes ont été centrées sur la défense aérienne et terrestre, et sont menées par la France et l'Allemagne, avec le FCAS (Future Combat Air System) et le MGCS (Main Ground Combat System). Les effets combinés de la politique étrangère américaine et du Brexit pourraient aboutir à une plus grande indépendance de l’Europe de la défense vis-à-vis des Etats-Unis et une volonté réaffirmée de renforcer celle-ci. Cependant, mettre en place un programme de défense au niveau Européen, en respectant les délais, les coûts et les attentes de différentes forces armées, reste un défi de taille.
Espace
50 ans après l’alunissage d’Apollo 11, l’industrie spatiale connait une renaissance grâce à des mécènes investissant des milliards de dollars dans des projets révolutionnaires. Ce nouveau paradigme constitue à la fois une menace et une opportunité pour la chaine de valeurs spatiale souligne l’étude d’AlixPartners.
Les opérateurs de vols commerciaux sont à la recherche de nouvelles sources de revenus. Cependant, la disparité des prix entre les technologies terrestres d’accès au haut débit et l'accès par satellite risque de nuire gravement aux opérateurs de flottes s'ils ne prennent pas des mesures drastiques pour corriger cet écart. On peut s’attendre à des restructurations ou à un mouvement de consolidation.
En parallèle, les promesses d’un nouveau modèle économique de l’aérospatial commercial a encore plusieurs années devant lui avant de porter ses fruits. Les afflux d’investissements pour de nouveaux projets de constellations satellitaires risquent d’exacerber la situation de surcapacité actuelle et entrainer des faillites de certains acteurs. Sur le segment des lanceurs, malgré les disruptions de marché menées par SpaceX, les lanceurs spatiaux lourds resteront un actif stratégique pour les puissances mondiales.
A propos d’AlixPartners
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