Comme si les drames humains, les vies brisées et perdues ne suffisaient pas, le conflit Russie-Ukraine porte aussi en lui les germes de perturbations des marchés agricoles et alimentaires mondiaux dont les répercussions peuvent, dans le pire des cas, être également dramatiques.
Le conflit et les sanctions qui en découlent vont avoir un impact important sur l'inflation des denrées agricoles, la disponibilité des produits de base et les chaînes d'approvisionnement, qui ont déjà été mises à rude épreuve par la pandémie.
L’Ukraine et la Russie ont une importance capitale dans le commerce international. L’Ukraine produit 13% du maïs mondial, la Russie est fournisseur n°1 d’éléments clés pour la synthèse d’engrais agricoles (azote, phosphore, potassium), c’est aussi un débouché majeur pour les fruits. Ensemble, ces deux pays exportent 12% des calories échangés sur les marchés internationaux, 53% de la production mondiale d'huile de tournesol, etc.
À court terme, nous connaissons déjà des pénuries d'approvisionnement et une flambée des prix (+20% sur les céréales, +46% sur les huiles) en raison des dommages subis par les cultures dans les zones de conflit, de l'impossibilité de récolter et de la fermeture des ports. À moyen terme, les interruptions du cycle de plantation risquent d’exacerber les pénuries. Les sanctions peuvent également ébranler les flux commerciaux, incitant agriculteurs et acheteurs à chercher de nouveaux marchés. Mais ce sont les effets à long terme qui s’annoncent les plus graves. A cause de l’isolement de la Russie, les agriculteurs du monde entier pourraient devoir payer leurs engrais beaucoup plus chers, voire s’en passer, au détriment de leurs rendements. D’ailleurs, certains pays limitent déjà les exportations agricoles.
Vis-à-vis de leurs salariés, de leurs actionnaires, comme des consommateurs, il est de la responsabilité des dirigeants du secteur de la grande consommation d’anticiper les conséquences de ce conflit pour en minimiser les nuisances. L’équipe Consumer Goods & Retail d’AlixPartners vous propose, dans les semaines à venir, une série d’analyses sur les stratégies à adopter en priorité et les pistes pour les mettre en œuvre :
- Réévaluez vos structures de coût
- Diversifiez vos assortiments, vos fournisseurs et vos méthodes
- Revoyez votre structure de marge
Premier volet de la série : Réévaluer vos structures de coût
Les distributeurs doivent en priorité rechercher des informations précises, au bon niveau de détail, avant de prendre des mesures qui pourraient être difficiles à inverser. Ils doivent comprendre la structure des coûts et les facteurs de coût pour chaque produit en rayon.
Par exemple, un acheteur de pizza surgelée doit connaître le coût du blé, des tomates et du fromage. Ensuite, il faut comprendre les coûts de transport, de fabrication et d'emballage, les taxes ou les droits de douane applicables, et les marges des fournisseurs. La combinaison de tous ces paramètres permet d’élaborer un modèle de coût par composant, un outil que les acheteurs et les responsables de catégorie devraient utiliser même dans des conditions normales.
Les acheteurs doivent utiliser les modèles de coût des composants comme point de départ pour collaborer avec leurs fournisseurs, et non comme une formule exacte du coût d'un produit. Au lieu d'accepter aveuglément les augmentations, utilisez les modèles pour guider les conversations avec les fournisseurs et identifier les facteurs que les acheteurs et les fournisseurs peuvent aborder ensemble.
La préparation à ce niveau est granulaire – et pour une bonne raison. Il est impératif que les distributeurs aient une bonne compréhension des détails pour avoir des conversations productives et coopératives avec leurs fournisseurs. Pendant les premiers jours de la pandémie, il est apparu clairement que les distributeurs qui avaient toujours traité leurs fournisseurs équitablement ont vu leurs commandes exécutées plus rapidement.
Focus sur les actions prioritaires
- Développer ou mettre à jour les modèles de coût des composants pour tous les articles impactés
- Programmer des réunions avec les fournisseurs clés, ou augmenter leur fréquence, pour discuter des opportunités d’ajustement des prix.
- Organiser des réunions régulières entre top managers distributeur-fournisseur pour renforcer le lien.
- Fournir aux équipes d'achat des informations régulières sur les produits de base, le transport et les coûts de stockage et développer des guides sur la façon d'utiliser ces données dans la planification et les négociations.
- Passer en revue les projets d'approvisionnement alimentaire à long terme et, éventuellement, les déprioriser. Faites en sorte que l'équipe se concentre sur les risques liés aux produits de base.
- Examiner les augmentations de coûts de manière centralisée plutôt que de laisser chaque acheteur travailler en vase clos. Certains distributeurs ont mis en place une "war room de l'inflation" pendant la pandémie, avec des résultats positifs.
Dans les prochains Focus Retail :
- Diversifier vos assortiments, vos fournisseurs et vos méthodes
- Revoyer votre structure de marge