Tour d’horizon de la performance des Maisons de Luxe sur le premier semestre 2024
Si le groupe LVMH maintient une croissance relativement stable sur la durée, pour la première fois, la division Mode & Maroquinerie montre une légère contraction de 2 % au H1 2024 (vs. 2023). Malgré un contexte économique difficile, LVMH reste résilient et optimiste pour le reste de l’année 2024.
En revanche, Kering peine en cette période d'incertitude : les marques du groupe affichent une baisse moyenne de 14 % en cette première partie d’année, jusqu’à -18 % pour Gucci.
Quant à Richemont, le groupe reste en croissance au premier semestre 2024, après un très bon premier trimestre, et un Q2 2024 plus mitigé, notamment en Asie Pacifique. Sur le Q2 seul 2024, les Maisons d’Horlogerie s’effondrent ainsi avec une contraction de -13% vs. 2023, quand les bijoutiers se maintiennent à +4% et la Mode & Maroquinerie à +6%.
Sur la même lancée, le groupe Prada rebondit avec une hausse de 17 % de son chiffre d'affaires au premier semestre 2024 par rapport à 2023, grâce à la fulgurante croissance de sa marque MiuMiu, qui affiche une progression de 93 % sur la période. MiuMiu confirme ainsi sa position de marque tendance, après une croissance de 58% en 2023.
Enfin, sans surprise, la Maison Hermès consolide sa position “intouchable” avec une augmentation de 15 % de son chiffre d'affaires[1] au premier semestre 2024 par rapport à 2023. Selon Hermès, cette croissance stable résulte de la désirabilité de ses produits et d'une stratégie de valorisation maintenue depuis plusieurs années.
Si les résultats du premier semestre 2024 varient selon les Maisons, le marché mondial du luxe devrait connaître une croissance de 2 à 4 % en 2024, avec des variations selon les régions.
Au sein d’un même marché du luxe, 2 positionnements pour les Maisons : le « luxe intemporel », et le luxe « Fashion Forward »
Les résultats hétérogènes du H1 2024 recouvrent en fait une double réalité selon les Maisons : la capacité (ou non) à démontrer résilience et stabilité de sa désirabilité, contre la dépendance à la mode et la demande du moment.
Certaines Maisons « luxe intemporel » sont relativement insensibles aux mouvements de crise, quand d’autres voguent au gré du vent de la Mode, leur performance pouvant chuter brutalement, puis rebondir rapidement.
En témoigne la chute brutale des maisons les plus « Fashion-Forward » du groupe Kering, Gucci en tête, comme le rebond tout autant notable des Maisons Richemont et du groupe Prada. Si ces dernières Maisons peuvent en effet se réjouir de leurs récents résultats, l’absence de stabilité de leur courbe des ventes démontre une forte dépendance à la mode du moment et à la capacité de leurs designers à sortir de façon répétée des « hit products ».
En tant qu’investissement, un 2.55 ou un Kelly sont toujours plus sûrs dans le temps que n’importe quel hit-bag du moment. Les Maisons « Fashion-Forward » sont ainsi particulièrement sensibles aux périodes de crise, et dépendantes de la mode.
Figure de proue du luxe intemporel, Hermès a même réussi à renforcer cette capacité de résilience, avec une désirabilité qui permet d’absorber les aléas du marché. Ainsi, lorsqu’Hermès affiche 15% de croissance, nous ne sommes pas sur un rebond, mais la simple confirmation au marché de sa toute-puissance.
Au milieu, les Maisons « Mid-of-the-pack », avec des parcours différents, qui viennent plutôt du luxe intemporel et qui se sont ‘fashionisés’ à travers le temps.
La croissance des Maisons – une illusion de désirabilité souvent portée uniquement par des augmentations de tarif
Si les Maisons de luxe affichent des résultats hétérogènes en ce début d’année, une tendance leur sera commune depuis plusieurs mois : toutes ont augmenté leur prix, de 5 à 10% en moyenne sur 2023.
Ainsi, la croissance affichée de certaines Maisons cache en réalité une contraction des volumes compensée par ces augmentations tarifaires : il en sera ainsi pour Prada dont le chiffre d’affaires augmente de 6% après 12% d’augmentation de ses prix moyens.
Mais le facteur prix d’annihile pas les tendances de fond : les marques de luxe intemporel, désirables « quoiqu’il arrive », réussissent à faire progresser les volumes malgré des augmentations de prix plus ou moins importantes. On évoquera encore une fois Hermès dont le chiffre d’affaires augmente deux fois plus rapidement que les prix (qui prennent tout de même environ 8% en 2023).
Sue le spectre opposé, le bilan est plutôt négatif pour les marques “Fashion Foward” du groupe Kering dont la contraction du chiffre d’affaires, parallèle à une augmentation des prix, cache une réduction des volumes d’autant plus importante.
Sur ce constat, à chaque Maison sa feuille de route : (i) soit vers plus de stabilité - en évoluant vers davantage de “Timeless Luxury”, (ii) soit afin d’anticiper l’inévitable volatilité liée à leur positionnement, en prenant des décisions radicales dès les premiers signes de faiblissement.
C’est d’autant plus critique que le marché s’annonce compliqué pour encore plusieurs trimestres. Dans ce contexte, une prévision fine de la demande des consommateurs, couplée à une gestion maîtrisée de son offre sera clé.
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[1] A taux de change constants